Le temps des mots est passé, place aux actes! A écouter Guillaume Balas, invité le 10 juin dernier des Petits déjeuners européens de l’ENA consacrés à l’Europe sociale, cette phrase pourrait résumer à elle seule sa démarche. Volontaire, l’élu S&D appelle les Etats membres à s’engager véritablement dans une politique de lutte contre le chômage des jeunes. Non pas de manière isolée, mais avec les outils dont dispose l’Union. Car ceux-ci existent, et peuvent encore être améliorés, pour peu que les Vingt-huit acceptent – enfin – de les utiliser.
20,7: c’est en pourcentage le taux de chômage des jeunes au sein de l’UE28. Un taux qui atteint 22,3% dans la zone euro. Un taux, enfin qui certes est en baisse, celui-ci atteignant respectivement un an plus tôt, en avril 2014, 22,5% et 23,9% mais qui varie encore dans ses extrêmes, chez les moins de 25 ans, entre 7,2% en Allemagne et 50,1% en Grèce, selon les derniers chiffres publiés par Eurostats. Face à ce triste constat, Guillaume Balas invite les Etats à «travailler», non plus comme par le passé dans une approche nationale mais pleinement européenne. A «faire de la politique en Europe», et à «cesser de faire de l’Europe la religion de remplacement de nos échecs».
«Podemos et Syriza sont le produit d’une jeunesse éduquée et précarisée»
«Travailler», le mot n’est pas forcément nouveau, mais comment, sur la base de quelle méthode ? Sans doute est-ce là le principal apport au débat du député S&D, qui ne se contente pas d’enfoncer le clou mais affiche des propositions concrètes. Ceci en en appelant tout d’abord à réviser notre approche des politiques publiques, plaide-t-il en substance: «Nous vivons l’un des premiers moments de civilisation en Europe où il y a aussi peu de jeunes de moins de 25 ans, avec l’émergence d’un rapport idéologique, culturel, patrimonial, économique en défaveur de la jeunesse». A l’inverse de ce que l’on nous vend par campagnes publicitaires interposées, «nous sommes dans une société de vieux fascinés par la jeunesse, et non dans une société où la jeunesse est dominante» et protégée comme telle, déplore-t-il. «Déplore», parce que les conséquences sont criantes sur l’emploi des jeunes, sur les réformes de retraites, sur les questions sociales au sens large mais également sur le plan politique, avec la montée corolaire de partis nouveaux comme Syriza ou Podemos qui «sont le produit d’une jeunesse éduquée et précarisée». Ou bien, plus inquiétant encore, «face à l’explosion des inégalités de destins dans des zones déshéritées», dont en France, de « mouvements [autrement] plus radicaux sur les plans politique et religieux».
Petit déjeuner européen avec Guillaume Balas from Ecole nationale d’administration on Vimeo.
Le temps des mots est passé, place aux actes! A écouter Guillaume Balas, invité le 10 juin dernier des Petits déjeuners européens de l’ENA consacrés à l’Europe sociale, cette phrase pourrait résumer à elle seule sa démarche. Volontaire, l’élu S&D appelle les Etats membres à s’engager véritablement dans une politique de lutte contre le chômage des jeunes. Non pas de manière isolée, mais avec les outils dont dispose l’Union. Car ceux-ci existent, et peuvent encore être améliorés, pour peu que les Vingt-huit acceptent – enfin – de les utiliser.
Un fonds de garantie jeunesse encore insuffisamment doté, selon l’OIT
Adapter les politiques publiques aux jeunes est une première réponse, mais qui, relève-t-il au cours de son intervention, doit s’accompagner également de mesures fortes et, surtout, concrètes: faciliter le déblocage des premiers fonds pour la ‘Garantie Jeunesse’, est un premier pas en ce sens, obtenu début d’année par la commission des Affaires sociales. Mais, encore limité à 6 milliards d’euros à l’échelle européenne, ce fonds devrait à tout le moins être revalorisé à 21 milliards pour afficher un effet durable. Un point de vue défendu par l’Organisation internationale du travail (OIT), la Commission européenne ainsi que par le Parlement mais que bloque encore le Conseil, regrette l’élu socialiste. Développer l’apprentissage des langues devrait également être une priorité. Pour s’en convaincre, Guillaume Balas revient sur l’exemple du recrutement de 100 personnels au sol par l’aéroport de Roissy – Charles De Gaulle. L’idée était alors d’ouvrir prioritairement ces postes aux jeunes de la ville limitrophe de Gonesse. Finalement, aucun postulant ne sera retenu; leur maîtrise de l’anglais ayant été jugée trop insuffisante…
Erasmus+: «Des modalités de mise en œuvre encore fortement impraticables»
Et puis, autre chantier à mettre en place; celui du «choc de simplification» au niveau européen. Alors qu’Erasmus bénéficiait en France principalement aux classes moyennes et CSP+, Erasmus+, en s’ouvrant à l’apprentissage technique, aide désormais à rétablir la balance au profit des couches les plus populaires. Mais si «les principes évoluent bien, les modalités de mise en œuvre (dont la rédaction des dossiers) restent encore fortement impraticables». Quant au réseau EURES, qui fournit des informations, des conseils et des services de recrutement et de placement aux employeurs, aux demandeurs d’emploi et à tous ceux qui souhaitent tirer parti de la liberté de circulation des travailleurs dans l’UE, si lui aussi s’inscrit dans une démarche positive, l’absence d’harmonisation sociale européenne couplée à des frais d’implantation dans un autre Etat membre, restent, dans la pratique, un frein à la mobilité des jeunes.
Adéquation des politiques publiques à la jeunesse, «choc de simplification», réforme de l’apprentissage des langues, harmonisation sociale…: la liste des réformes ne manque pas. Reste, sans doute pour les Etats, à en comprendre l’urgence et, surtout, à fédérer leurs forces. Parce qu’à défaut, la «Commission de la dernière chance», telle que dépeinte par le président de l’exécutif européen lors de sa prise de fonction, pourrait n’avoir jamais si bien porté son nom. Un cri d’urgence, presque, que Guillaume Balas prévient ne pas entendre faire taire.
A propos de l’auteur : Christophe Nonnenmacher est chargé de mission au Pôle européen d’administration publique de Strasbourg (PEAP). Journaliste spécialisé sur les questions européennes, il a notamment travaillé pour La Semaine de l’Europe, La Quinzaine européenne et l’Européenne de Bruxelles, avant de diriger, jusqu’en 2009, le site Europeus.org, qu’il cofonda en 2004 avec Daniel Daniel Riot, alors directeur de la rédaction européenne de France3. Il a également travaillé cinq ans au Parlement européen.
Natacha Ficarelli est rédactrice en chef adjointe de EuTalk.eu
© EuTalk / www.eutalk.eu – ISSN 2116-1917 / Les propos exprimés par l'intervenant sont l'expression d'une réflexion personnelle. Ils n’engagent que leur auteur, et en aucun cas l’institution à laquelle il appartient ou qui l'accueille.