A l’issue de l’épidémie de COVID-19, de nombreux dossiers devront être traités en matière de sécurité continentale. Le cas georgien en est un, intégré à la nouvelle «Architecture de sécurité et de confiance européenne » engageant notamment Paris, Bruxelles et Moscou.
Alors que se profile le 30ème anniversaire de l’indépendance de la Géorgie, en 2021, le désir euro-atlantique de la Géorgie n’a jamais été aussi fort que pendant la «Révolution des roses» de l’automne-hiver 2003. Pourtant, le «non-règlement» des conflits gelés – à l’aune de l’occupation depuis l’été 2008, de plus de 20% du territoire géorgien par les troupes russes et les sécessions territoriales en Abkhazie et en Ossétie du Sud, ainsi que le déplacement de près de 130.000 personnes venues se rajouter aux quelques 200.000 déplacés internes (PDI) depuis le début des années 2000, rend difficile pour la Géorgie à la fois l’expression d’une réelle intégration régionale dans le Caucase-Sud. Elle était pourtant revendiquée aux lendemains des indépendances de 1991, alors que les forts taux de croissance, les préoccupations communes concernant la sécurisation des gazoducs et oléoducs approvisionnant l’Europe, et le scénario commun du divorce avec Moscou la légitimait.
80% des géorgiens en faveur de l’UE et l’OTAN
Malgré cela, l’engagement à Tbilissi et dans toute la Géorgie reste résolu, 80% des géorgiens soutiennent la direction du pays vers l’UE et l’OTAN. Le gouvernement en place, dirigé par le parti «Rêve Géorgien», a clairement exprimé son engagement en faveur d’un avenir pro-européen et pro-OTAN. Lors de la récente conférence de Munich sur la sécurité, le ministre des Affaires étrangères David Zalkaliani a exhorté l’Europe à faire la même chose, déclarant: «Nous avons besoin de plus d’attention et d’engagement de nos partenaires de l’UE et de l’OTAN, dans les dimensions politiques, militaires et socio-économiques».
C’est dans ce contexte de l’insuffisance d’un espace intégré du Caucase du Sud, dont l’intérêt stratégique est pourtant une évidence, que s’impose une réalité anachronique: celle de la perspective d’un destin commun qui aurait été «pris en otage» par un mauvais legs de l’histoire dans cette région pivot et qui se trouve au cœur d’un nouveau «Grand jeu». De manière similaire, l’émergence de la notion d’Eurasie est désormais devenu un thème central dans les efforts visant à équilibrer les relations stratégiques entre l’UE, l’OTAN, la Russie et la Chine.
Une région stratégique dans le voisinage de l’Europe
La rénovation de la Politique européenne de voisinage, présentée le 18 novembre 2016, par la Haute représentante pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité de l’Union européenne de l’époque, Federica Mogherini, a offert une nouvelle perspective et une occasion unique de promouvoir, en France, comme à Bruxelles, l’importance du Caucase et les raisons pour lesquelles elle doit être considérée comme une région stratégique dans le voisinage de l’Europe.
Le successeur de Mogherini, Josep Borrell, a déjà confirmé la continuité de cette politique car la région du Caucase du Sud offre une nouvelle dynamique de coopération avec l’Europe.
En effet, la création – même avant cela – en mai 2009 du Partenariat Oriental engageant un dialogue inédit et approfondi, entre l’UE et ses six voisins orientaux (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie, Ukraine et Biélorussie) conduit à une relation durable et met en place une nouvelle dynamique de la PSDC (Politique de sécurité et défense commune) et la PESC (politique étrangère et de sécurité commune) de l’UE. La relance des dialogues stratégiques entre la Pologne, l’Allemagne et la France d’une part et du groupe de Visegrad (Pologne, Slovaquie, Hongrie et la République tchèque) d’autre part, confirme l’importance de renforcer le Partenariat Oriental.
L’Europe «élargie» de la Défense, de Lisbonne à Vladivostok, et la nouvelle «Architecture de sécurité et de confiance» que le Président de la République, Emmanuel Macron, entend proposer à son homologue russe, Vladimir Poutine visent à mieux définir l’autonomie stratégique de l’UE qui a de facto un impact sur son voisinage immédiat. Des relations stables et pragmatiques avec la Russie sont souhaitables tant pour l’UE que pour les pays du Partenariat Oriental, dont la Géorgie, comme est venue le rappeler le Premier ministre Giorgi Gakharia qui a récemment déclaré que «l’engagement avéré de la Géorgie envers les objectifs occidentaux et transatlantiques en faisait un pilier essentiel de la coopération avec l’OTAN».
Un partenaire fiable
Qu’il s’agisse de l’Initiative Européenne d’Intervention – IEI, rassemblant depuis juillet 2017, 13 Etats de l’UE – ou la Coopération Structurée Permanente (CSP) autour de 25 états membres de l’UE et ses 17 projets pilotes, la Géorgie ne demeure-t-elle pas un partenaire fiable qui a toujours été aux côtés des Européens et des pays membres de l’OTAN, quand il s’agissait de combattre les talibans en Afghanistan, Daesh en Irak, par exemple?
Si seulement tous les alliés européens étaient aussi fiables que la Géorgie! Nul doute que le gouvernement de Giorgi Gakharia, issu du parti Rêve Géorgien, ancien ministre de l’intérieur, devenu premier ministre en septembre dernier, saura entendre tous ceux qui prônent une participation active des troupes géorgiennes – particulièrement aguerris dans la contre-insurrection – dans la lutte contre les groupes armées terroristes au Sahel?
Cette région, comme le Caucase du Sud, devrait être une zone prioritaire pour les intérêts stratégiques de la France – et Bruxelles dans les années à venir.
Patricia Lalonde est ancienne Députée européenne, Vice-Présidente Geopragma
Photo: Les drapeaux géorgien et européen encadrant les armoiries de la Géorgie / Photographe: Lieven Creemers / Union européenne, 2014 / Source: EC – Service audiovisuel
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