Alors que s’ouvrira pour deux ans en septembre la Conférence sur l’avenir de l’Europe «Future of Europe» dont les conclusions devront être traduites «en actions juridiques concrètes», des organisations civiles appellent en réponse à la tenue d’événements OFF pour faire entendre une autre voix. Avec l’objectif de peser sur les débats et de défendre une Union plus proche des citoyens et de leurs réalités quotidiennes.
Une nouvelle gouvernance apparaît nécessaire. L’Europe doit se doter d’une nouvelle gouvernance pour se rapprocher de la réalisation de l’équilibre politique et garantir ainsi un gouvernement efficace et humaniste. Cela signifie accepter une approche globale et partagée du pouvoir, qui puisse incarner plus de dialogue, de consensus, de respect et une prise en compte d’intérêts différents et complémentaires: sociaux, environnementaux, culturels, économiques, etc.
Le 9 Mai 2020, nous avons fêté les 70 ans de la Déclaration Schuman. Une Conférence sur l’avenir de l’Europe «Future of Europe» devait être lancée ce jour-là mais a été reportée à septembre par la Commission européenne pour cause de crise sanitaire du Covid 19. Elle doit s’étaler sur deux ans, elle est l’une des principales priorités de la Commission von der Leyen. Lors d’une conférence de presse mercredi 22 janvier, Dubravka Suica, vice-présidente de la Commission pour la démocratie et la démographie, a promis de se concentrer sur la base citoyenne et de rendre la conférence accessible aux citoyens de tous les coins de l’UE. «Ce n’est pas comme d’habitude. Nous nous engageons à un dialogue ouvert et à traduire les conclusions de la conférence en actions juridiques concrètes», a-t-elle déclaré.
La société civile doit occuper le champ du politique
En décembre, le Financial Times a qualifié la conférence Future of Europe de «dernière inspiration du président français Emmanuel Macron pour relancer la démocratie européenne». La Commission vise à garantir que le plus grand nombre possible de citoyens participeront à la conférence, éventuellement également des pays candidats. Parallèlement certaines ONG ont annoncé des plans pour un festival en marge de la conférence Future of Europe. Des dirigeants de la société civile appellent à un festival paneuropéen en marge. Déjà les dirigeants de la société civile de vingt réseaux associatifs de l’Union ont lancé un appel à des événements indépendants et organisés de façon spontané pour mobiliser les citoyens de l’UE! Le Brussels Times et le Magazine du Parlement ont présenté cette initiative, un nouveau site Internet europefuturefringe.com est déjà mis en ligne. Les organisations de la société civile doivent occuper le champ du politique afin de créer une série d’événements parallèles à la conférence sur l’avenir de l’Europe. Ateliers, conférences, manifestations artistiques et théâtrales, lectures, festivals culturels, littéraires, festivals musicaux feront parties des actions de cette conférence parallèle.
Plus de Parlement mais moins de Commission
Cette initiative doit s’étendre impérativement au-delà des frontières de l’UE afin que les citoyens britanniques ou ukrainiens, par exemple, puissent participer à la conversation sur l’avenir de l’Europe.Cette conférence parallèle lancée par la société civile est la preuve de la méfiance des citoyens européens pour les institutions centralisatrices de l’UE. La majorité des citoyens européens veulent plus d’Europe mais moins de Bruxelles, plus de Parlement Européen mais moins de Commission européenne. Tout ce qui vient de la Commission apparaît maintenant pour le citoyen européen comme anti-démocratique, déconnecté du réel, centralisateur et élitiste. Ce que veut le citoyen c’est d’une gouvernance proche de lui, décentralisée et locale, et d’une Europe qui le protège!
La crise sanitaire causée par le Coronavirus annonce une crise économique et financière majeure qui va mettre le système néolibéral à terre. Nous devons dès maintenant penser à l’après crise. Les inégalités croissantes – car l’économie a pris le pouvoir sur le politique – nous obligent à placer la dignité humaine au centre des valeurs européennes. Le banquier n’est pas là pour faire une politique sociale, il n’est même plus là pour aider et soutenir l’entrepreneur. Le politique doit reprendre le contrôle sur l’économie en s’inspirant du modèle d’un Etat régulateur, stratège et protecteur au service de l’ensemble des citoyens et décentralisé dans une Europe plus sociale pour défendre les plus faibles. Peu de politiques européens savent nous parler de nos villes, de nos villages, de nos coutumes et de nos traditions: il est temps de sortir des discours de plans comptables et de statisticiens!
C’est aux citoyens de faire l’Europe
Attention, l’UE n’est pas l’étape finale de l’intégration européenne, elle n’est qu’une étape et qui en plus s’est éloignée des idées de départ des Pères Fondateurs! Les citoyens ne sont pas simplement des statistiques: la technocratie et les errances d’un néolibéralisme prédateur ont mutilé la démocratie. Une nouvelle comptabilité pour nos nations européennes qui ne tient pas seulement compte du capital financier, mais aussi de l’environnement, du patrimoine culturel et surtout de la richesse humaine par le niveau d’éducation par exemple doit être mis en place.
C’est aux citoyens de faire l’Europe, c’est la société civile qui fera le succès de cette conférence sur le Futur de l’Europe dans la conférence officielle et, surtout, avec tous les évènements organisés en parallèle. Il faut une nouvelle gouvernance pour l’Europe pour se rapprocher de la réalisation de l’équilibre politique et garantir ainsi un gouvernement efficace et humaniste. Cela signifie accepter une approche globale et partagée du pouvoir, qui puisse incarner plus de dialogue, de consensus, de respect et une prise en compte d’intérêts différents et complémentaires: sociaux, environnementaux, culturels, économiques, etc.
Olivier Védrine est Professeur (h.c.) et Directeur de l’ONG New Europeans
Photo: Garry Knight sous https://creativecommons.org
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