Le 25 janvier prochain correspondra au 29eme anniversaire des relations bilatérales entre la France et le Kazakhstan. La région Alsace y aura une place particulière. Le Kazakhstan a ouvert son consulat en août dernier à Strasbourg, confortant l’importance que la métropole revêt aux yeux de Nur-Sultan. Le Kazakhstan y est, du reste, membre de la Commission de Venise et du GRECO auprès du Conseil de l’Europe et est étroitement associé à la politique de voisinage de celui-ci avec les pays d’Asie centrale. Occasion pour le ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan, S.E. Moukhtar Tléouberdi de revenir pour Eutalk.fr sur les principaux enjeux de la relation entre son pays, la France et l’Europe, dans le cadre du renforcement de la stratégie de l’UE pour l’Asie centrale, votée en juin 2019.
La France est un partenaire stratégique important et un ami fiable du Kazakhstan. Elle a été parmi les premières à reconnaître l’indépendance et la souveraineté de notre État suite à l’effondrement de l’Union soviétique. Les relations entre nos états, établies le 25 janvier 1992, se développent aujourd’hui dans tous les domaines dans l’esprit de l’Accord de partenariat stratégique entre le Kazakhstan et la France, signé par les présidents Noursoultan Nazarbaïev et Nicolas Sarkozy en 2008 et ratifié en 2010.
De manière générale, grâce à des contacts réguliers entre nos pays à tous les niveaux, un dialogue amical, confiant, constructif et pragmatique s’est instauré. Cette année, nous avons marqué la première décennie de cet accord, et nous pouvons affirmer avec certitude que des progrès significatifs ont été accomplis au cours de cette période en matière de dialogue politique, d’interaction sur la scène internationale, de coopération commerciale, économique et d’investissement, ainsi que dans ceux de l’éducation et des échanges culturels et humanitaires.
Le Kazakhstan et la France ont établi un fonctionnement fluide et efficace de divers mécanismes de coopération bilatérale aux niveaux intergouvernemental et interministériel. La coopération interparlementaire ainsi que l’interaction décentralisée, interrégionale se renforcent.
Premier État de l’espace post-soviétique à présider l’OSCE
Sur le plan politique, nos pays ont atteint un très haut niveau de compréhension mutuelle et de confiance, ce qui est dû à une proximité des positions de Nur-Sultan et de Paris sur la plupart des questions de l’agenda international.
Pour faire le bilan de la dernière décennie, une étape significative dans le renforcement de la confiance politique au plus haut niveau a été la décision du gouvernement français de soutenir la candidature de notre pays à la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 2010. Le Kazakhstan est ainsi devenu le premier État de l’espace post-soviétique à se voir confier la présidence de cette importante organisation, dont la zone de responsabilité couvre une vaste région de Vancouver à Vladivostok.
La France, qui a initialement appuyé l’idée de la convocation du Sommet de l’OSCE à Astana avait fourni, tout au long de l’année 2010, une assistance globale à la présidence kazakhstanaise, et un soutien à nos initiatives. Il est important de noter que Paris s’est félicité de l’organisation et des résultats du Sommet, ainsi que de son document final, connu sous le nom de «Déclaration d’Astana». Le succès de la présidence de l’OSCE a considérablement renforcé le poids politique du Kazakhstan sur la scène internationale en tant que partenaire actif et fiable.
La France a également été parmi les premières à soutenir la candidature du Kazakhstan au poste de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour les années 2017-2018. Pendant toute la durée du mandat de notre pays au sein de cette structure internationale importante, un dialogue de confiance avait été maintenu entre les deux États sur l’ensemble des questions de sécurité mondiale et régionale.
Coopération renforcée avec l’Union européenne
Début 2018, la France a ratifié un nouvel Accord de partenariat et de coopération renforcée entre la République du Kazakhstan et l’Union européenne, dont les dispositions couvrent 29 domaines spécifiques.
À son tour, à la lumière de sa politique étrangère «multi-vectorielle», Nur-Sultan soutient également de nombreuses initiatives de Paris visant à renforcer la coopération, le développement durable et la sécurité, parmi lesquelles l’agenda climatique, la non-prolifération des armes nucléaires et la lutte contre le terrorisme.
Aujourd’hui, la communauté internationale prend acte du rôle important et du grand potentiel du Kazakhstan en tant que pays médiateur dans la recherche de compromis et de règlement des conflits politiques actuels. Ainsi, les efforts actifs de notre pays dans la préparation du processus de négociation et la réalisation de la signature de l’Accord sur le programme nucléaire iranien, la contribution du Kazakhstan au règlement inter-syrien grâce aux négociations dans le cadre du «Processus d’Astana» sont soulignés.
En tant qu’ardent défenseur du dialogue des civilisations, le Kazakhstan organise depuis 17 ans un événement unique à l’échelle mondiale visant au renforcement de l’entente mutuelle et au maintien du dialogue interreligieux entre les représentants de diverses confessions – le Congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles. Le sixième Congrès, qui s’est tenu à Nur-Sultan en 2018 sur le thème «Les leaders religieux pour un monde sûr», est devenu le plus représentatif de toute l’histoire de son existence, rassemblant plus de 80 délégations de 45 pays.
Aujourd’hui, la France fait partie des cinq principaux partenaires commerciaux et d’investissement du Kazakhstan. Depuis 2008, les échanges commerciaux mutuels ont atteint 52 milliards de dollars américains. La mise en œuvre, avec des partenaires français, de plusieurs grands projets d’investissement dans les industries de l’uranium, du pétrole et du gaz, du titane, de l’ingénierie des transports, des énergies renouvelables, de la production de matériaux de construction, de produits alimentaires, a attiré dans le pays plus de 16 milliards de dollars depuis 2005.
Saint Gobain, Total, Orano, Alstom, Danone déjà présents au Kazakhstan
Environ 170 entreprises avec la participation de capitaux français travaillent aujourd’hui au Kazakhstan. Parmi elles, il y en a des grandes comme Total, Orano, Alstom, Danone, Vicat, etc. Il est à noter qu’aujourd’hui les avions Airbus sont construits avec du titane Kazakh, tandis que les raffineries et centrales nucléaires françaises utilisent respectivement du pétrole et de l’uranium produits dans notre pays.
L’un des exemples marquants de coopération en matière d’investissement au cours des derniers mois de l’année qui s’achève fut l’arrivée au Kazakhstan du plus grand groupe industriel français Saint Gobain, l’ouverture du premier magasin Décathlon en Asie centrale, et la signature d’un accord pour créer une plateforme de co-investissement pour un total de 100 millions d’euros entre le Fonds souverain français et banque d’investissement «BPI France» et le Fonds souverain national de protection sociale «Samruk-Kazyna», qui ouvre de nouvelles opportunités de financement de projets dans différents secteurs de l’économie des deux pays. Au cours des deux prochaines années, nous prévoyons le lancement d’au moins sept autres projets d’investissement totalisant environ 400 millions de dollars.
Notre pays mène successivement des réformes visant à améliorer le climat des investissements. Un dialogue direct et ouvert entre le gouvernement et les entrepreneurs est assuré, tandis que l’infrastructure est améliorée pour attirer de nouveaux investissements, savoir-faire et technologies de pointe.
Accord d’investissement stratégique
A la demande Président Kassym-Jomart Tokayev, des travaux sont actuellement en cours pour mettre en place un outil supplémentaire d’accompagnement des grands investisseurs, sous la forme d’un accord d’investissement stratégique. Il fournira aux investisseurs un ensemble complet de mesures de soutien gouvernemental sous la forme d’avantages fiscaux, de financements concessionnels, de marchés garantis par le gouvernement et de soutien à l’exportation. Il est important de noter les garanties de stabilité de la législation et la présence de préférences de l’industrie.
En ces temps difficiles, apporter tout le soutien nécessaire aux investisseurs est notre priorité. Nous sommes fermement convaincus que nos atouts naturels, ainsi que les institutions gouvernementales et le climat d’investissement formés au cours des dernières décennies, fourniront un résultat stable à long terme et atténueront les effets de la crise. Nous nous efforçons de faire du Kazakhstan un pôle de croissance économique et de stabilité dans la région. Nous sommes ouverts à la coopération la plus large possible avec les investisseurs français.
Ce n’est pas un hasard si dans le dernier classement du Groupe de la Banque mondiale Doing Business pour 2019, le Kazakhstan a pris une 25e place, plus élevée que de nombreuses économies hautement développées d’Europe occidentale.
Il est à noter qu’en dépit des conséquences de la pandémie, il existe à ce stade un contexte plutôt favorable pour le renforcement de la coopération économique avec la France dans les années à venir, tant en termes d’attractivité des investissements que de technologies.
Agriculture, digitalisation et énergies alternatives: nouveaux domaines prioritaires
À cet égard, il existe un potentiel important pour élargir et approfondir le partenariat bilatéral dans le domaine économique. L’agriculture, la digitalisation et les énergies alternatives ont été identifiées comme des domaines prioritaires à la nouvelle étape du partenariat, dans lesquelles nous voyons de réelles perspectives de synergie, compte tenu des besoins du Kazakhstan et des opportunités françaises. La France est un acteur sérieux sur la scène européenne, à la pointe de ces industries.
Le développement de la coopération interrégionale présente également un grand potentiel. Compte tenu de l’intérêt accru des administrations régionales et des petites et moyennes entreprises des deux pays pour la mise en œuvre de projets conjoints dans différents secteurs de l’économie, de l’éducation et de la culture, ainsi que dans le but de développer davantage le partenariat stratégique bilatéral, il est prévu d’organiser l’Année de la coopération interrégionale kazakhe-française en 2021.
Feuille de route 2030
Conformément à l’accord auquel sont parvenus les présidents Kassym-Jomart Tokayev et Emmanuel Macron, nous élaborons à ce stade, avec nos partenaires français, un projet de Feuille de route de la coopération commerciale, économique et d’investissement jusqu’en 2030. Ce document contient déjà plusieurs dizaines de projets spécifiques mutuellement bénéfiques. Sа finalisation est prévue lors de la prochaine réunion de la commission intergouvernementale franco-kazakhe de coopération économique.
Au même titre que l’économie, l’expansion de la coopération dans le domaine de l’éducation et de la culture contribue grandement au rapprochement de nos peuples. Une étape importante à cet égard a été l’ouverture en 2014 de l’Institut Sorbonne-Kazakhstan, qui est devenu le premier établissement d’enseignement de ce genre en Asie centrale.
En 2018, le programme de bourses kazakhe-français «Abai-Vern» a été créé et a permis d’augmenter la mobilité académique des étudiants kazakhs en programmes de Master et de Doctorat. Il est réjouissant de constater que chaque année, le nombre de nos compatriotes qui étudient dans les universités françaises augmente.
Ce n’est un secret pour personne que la culture est le meilleur moyen de rapprocher les peuples et de renforcer les liens d’amitié entre les pays. L’intérêt du public français pour le projet socioculturel «L’automne kazakhstanais en France», initié en 2018 dans le cadre de la diplomatie culturelle, grandit d’année en année. Les événements organisés au fil de ces années ont permis aux français de mieux connaître la culture du Kazakhstan dans toute sa diversité. Cela a également contribué à une augmentation des flux de touristes français vers différentes régions de notre pays.
En résumé, grâce aux efforts conjoints des parties, nous avons réussi à constituer une base solide et un contenu de qualité pour la visite attendue du président français Emmanuel Macron au Kazakhstan, à l’invitation du Premier Président de la République du Kazakhstan, Nursultan Nazarbayev et du chef de l’État Kassym-Zhomart Tokayev. Nous sommes convaincus que la rencontre de nos dirigeants donnera une nouvelle impulsion puissante à la mise en œuvre de la deuxième étape décennale de partenariat stratégique, dont les grandes orientations seront consolidées par la signature de la Feuille de route précitée.
Moukhtar Tléouberdi est Ministre des Affaires étrangères de la République du Kazakhstan / Photo : S.E. Moukhtar Tléouberdi / MAE Kazakhstan
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