Nouvelle Secrétaire générale de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et première femme à occuper ce siège depuis la création de l’institution basée à Strasbourg, Despina Chatzivassiliou-Tsovilis ne manque pas de projets: parmi ceux-ci, renforcer les liens avec les parlements nationaux et européen et réformer pour partie le fonctionnement de l’Assemblée.
Despina Chatzivassiliou-Tsovilis se souvient de ses premiers séjours à Strasbourg à la fin des années 1980. Etudiante à l’Institut universitaire de Florence où elle terminait une thèse consacrée à la Convention européenne des droits de l’homme, elle débarquait du train de nuit à 6 heures du matin pour se rendre au Conseil de l’Europe dont elle attendait l’ouverture en flânant dans les allées du Parc de l’Orangerie. Thèse en poche et après avoir passé en 1993 un concours destiné aux juristes grecs, elle a intégré officiellement l’Organisation le 1er mars 1994 en rejoignant la Commission des questions politiques et de la Démocratie. Clin d’œil du calendrier c’est également un 1er mars qu’elle a pris ses fonctions de Secrétaire générale de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, poste pour lequel elle a été élue lors de la plénière hybride de janvier dernier.
Première femme à occuper ce poste depuis la création de l’organisation paneuropéenne en 1949, Despina Chatzivassiliou-Tsovilis mesure l’importance de cette particularité mais ne souhaite pas s’y attarder. Evoquant Catherine Lalumière, Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe entre 1989 et 1994, une personnalité qui l’a beaucoup inspirée lors de ses travaux sur une série de dossiers d’adhésion à l’époque de l’élargissement post-chute du Mur, elle reconnaît que pour une femme «il faut évidemment en faire plus pour casser les préjugés et prouver ses compétences» mais – à l’entame de sa prise de fonction officielle – elle préfère, et de loin, évoquer ses projets.
Renforcer les liens avec les parlements nationaux et européen
A ses yeux, le grand défi est «la mise en œuvre des travaux de l’Assemblée» dans «une collaboration plus étroite avec les parlements nationaux dont font également partie les membres de l’APCE». «C’est notre valeur ajoutée par rapport au Parlement européen et nous devrions en tirer parti pour développer des thèmes en lien direct avec les préoccupations des citoyens».
Parallèlement, elle souhaiterait mettre en place des formations des nouveaux membres de l’APCE qui ne les initient pas seulement aux procédures de l’Assemblée mais à l’ensemble des organes et des chantiers du Conseil de l’Europe. A charge pour les députés de répercuter ceux-ci au niveau national pour leur donner plus de visibilité.
Le contexte sanitaire complique la donne. Despina Chatzivassiliou-Tsovilis en est d’autant plus consciente qu’elle mesure l’importance des contacts humains mais, réalité faisant loi, elle est déterminée à creuser la piste des nouvelles technologies. Non pas pour renoncer «au cœur de l’Assemblée qui bat souvent dans les coulisses» mais pour poursuivre la dématérialisation des documents nécessaires aux travaux. Quant aux votes, son élection avec un taux de participation de 96,46% lors d’une plénière hybride est la preuve qu’il est possible de les organiser électroniquement et de manière sécurisée.
Autre point important: le renforcement des liens avec le Parlement européen, dossier sur lequel la Commission des questions politiques et de la démocratie prépare un rapport. Les eurodéputés Fabienne Keller et Sandro Gozi (Renew Europe) ont d’ailleurs été auditionnés dans ce cadre en décembre dernier. « »La Conférence sur l’avenir de l’Europe » devrait inclure le Conseil de l’Europe et l’Assemblée devrait être présente dans le Mécanisme sur l’Etat de droit de l’Union européenne», ajoute Despina Chatzivassiliou-Tsovilis. «Il y a des thématiques sur lesquelles nous pouvons nous entraider.»
Poursuivre la réflexion sur le fonctionnement de l’Assemblée
Elle confie par ailleurs avoir été systématiquement interrogée sur la très sensible Commission de suivi lors de ses auditions par les membres de l’Assemblée. Cette Commission assure actuellement le monitoring de 11 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe avec, parmi eux, la Russie, la Turquie et la Pologne. Pour avoir été impliquée dans sa création et en avoir dirigé le Secrétariat en 2008 et 2009, la nouvelle Secrétaire générale de l’Assemblée, sait combien la question de cette Commission est sensible. «J’ai le sentiment que la majorité des membres de l’APCE voudraient une réforme qui permette de mieux exploiter la capacité de persuasion et la diplomatie parlementaire qui ont été à l’origine de sa création», dit-elle en évoquant notamment un dispositif, aujourd’hui abandonné, prévoyant le vote d’une Recommandation au Comité des ministres afin d’instaurer un processus de coopération ciblée. «La Commission de suivi est elle-même consciente du problème et a mis en place un processus d’examen périodique de 3 pays par an. Il concernera chacun des 47 Etats membres sans exception, ce qui évitera le sentiment de stigmatisation. Il faut continuer à œuvrer dans le sens de réformes de ce type et impliquer dans une meilleure synergie tous les organes du Conseil de l’Europe, le Comité des ministres et la Commissaire aux droits de l’homme par exemple».
Ebranlée entre 2014 et 2019 par la crise russe et les allégations de corruption liée à l’«Azérigate», l’Assemblée parlementaire a entamé une réflexion en profondeur sur son fonctionnement, son rôle et sa mission. Despina Chatzivassiliou-Tsovilis a été la secrétaire de la Commission ad hoc mise en place à cet effet par le Bureau de l’Assemblée. De premiers résultats ont été actés. Elle est déterminée à poursuivre en ce sens, forte de son expérience au sein d’un Conseil de l’Europe devenu pour elle «une deuxième famille».
Véronique Leblanc est journaliste, correspondante à Strasbourg en charge des questions européenne pour la Libre Belgique et l’Agence Europe / Photo: Service presse CoE
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