Alors que les Écossais se sont rendus aux urnes hier pour élire leurs députés au Parlement de Holyrood à Édimbourg, la perspective d’un nouveau référendum sur l’indépendance de cette nation du Royaume-Uni semble plus proche que jamais.
Après la défaite des indépendantistes lors du référendum de 2014, c’est le Brexit qui agit désormais comme un catalyseur sur la volonté d’indépendance des Écossais. En 2016, 62 % d’entre eux avaient voté pour le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne, mettant en lumière les clivages politiques entre l’Écosse et le reste du pays. Le Brexit a encore renforcé la demande d’indépendance formulée par le Scottish National Party, le parti nationaliste qui domine actuellement le Parlement écossais et dont est issue la Première ministre de l’Écosse, Nicola Sturgeon.
Une victoire aux législatives pourrait permettre au SNP d’encore accroître la pression sur le gouvernement britannique pour organiser un nouveau référendum d’indépendance.
L’indépendance: pourquoi?
Les revendications d’indépendance de l’Écosse avancées par le SNP ne sont pas nouvelles. Elles ont commencé à prendre de l’ampleur dans les années 1970, puis à la fin des années 1990 avec la mise en place de la dévolution – transfert partiel – du pouvoir du gouvernement britannique au Parlement écossais de Holyrood, à Édimbourg. L’objectif du SNP est de créer une Écosse indépendante qui reposerait sur des principes sociaux-démocrates d’égalité et de justice sociale. Les arguments du parti en faveur de l’indépendance sont donc essentiellement socio-politiques et économiques, ce qui le distingue des partis nationalistes centrés sur les questions ethniques ou culturelles.
Ce parti de centre gauche s’oppose aux Conservateurs représentés par Boris Johnson, dirigeant du gouvernement britannique à Londres. Les nationalistes écossais n’ont de cesse de dénoncer ce qu’ils considèrent comme un «déficit démocratique». Pour le SNP, la voix de l’Écosse n’est pas assez entendue à Londres, et l’indépendance permettrait à cette nation de retrouver ses pleins pouvoirs en se libérant du joug des Conservateurs britanniques et, ainsi, de pouvoir prendre ses propres décisions politiques.
Le Brexit, symbole de la fracture entre l’Écosse et le reste du Royaume-Uni
Outre cette fracture gauche-droite, l’Écosse et le reste du Royaume-Uni – en particulier l’Angleterre – se divisent autour de la question du Brexit.
Le fait que plus de la moitié des Écossais aient voté contre la sortie du Royaume-Uni de l’UE en 2016 l’illustre bien. Les élections européennes de 2019 ont renforcé cette fracture avec, d’une part, une Angleterre pro-Brexit aux couleurs du Brexit Party et du parti conservateur et, d’autre part, une Écosse pro-européenne aux couleurs du SNP, confirmant par la même occasion les résultats du référendum sur le Brexit trois ans plus tôt.
Le référendum de 2016 et les élections européennes de 2019 semblent ainsi légitimer le fait que les nationalistes réclament la tenue d’un second référendum d’indépendance. En effet, ces deux événements semblent avoir mis en évidence le manque de poids de l’Écosse dans les décisions prises à Westminster, comme cela est dénoncé par le SNP depuis de nombreuses années: alors que le maintien au sein de l’UE avait été plébiscité par une majorité d’Écossais, ces derniers se sont vus contraints de la quitter.
Face à ces deux rendez-vous majeurs qui ont souligné les divergences entre l’Écosse et le reste du Royaume-Uni, Nicola Sturgeon et le SNP en ont appelé à la jeunesse. La Première ministre écossaise est très présente sur les réseaux sociaux. Elle se montre particulièrement proche de la jeunesse de son pays. En outre, elle multiplie les publications à destination des jeunes afin de les sensibiliser sur la question de l’avenir constitutionnel de leur nation. Stratégie politique ou véritable intérêt pour la jeunesse écossaise? Toujours est-il que le message semble être relativement bien entendu au vu du nombre toujours croissant de nouveaux membres dans les branches jeunes et étudiantes du SNP.
La question d’indépendance mobilise la jeunesse écossaise
L’avenir de l’Écosse en tant que partie prenante du Royaume-Uni ou nation indépendante préoccupe les jeunes. Alors qu’ils sont souvent réputés pour être distants de la vie politique, notamment lors des élections, le référendum d’indépendance de 2014 a mobilisé une grande proportion d’entre eux. Le taux de participation des 16-34 ans s’est élevé à 69%. Celui des 16-17 ans, qui avaient le droit de voter lors du référendum, s’est quant à lui envolé à 75%. Les partis politiques ont également vu leurs effectifs augmenter grâce à l’adhésion de nombreux jeunes. Cela a été particulièrement le cas du SNP et des Verts, tous deux pro-indépendance. Concernant les résultats du référendum, 54,3% des 16-19 ans et 54,1% des 20-24 ans ont voté en faveur du maintien de l’Écosse au sein du Royaume-Uni, tandis que 62,2% des 25-29 ans ont voté en faveur de l’indépendance.
Du fait du Brexit, si un nouveau référendum devait avoir lieu, les résultats chez les 16-24 ans pourraient être différents. En 2016, au niveau du Royaume-Uni dans son ensemble, 73% des jeunes de moins de 25 ans ont voté pour rester au sein de l’Union européenne, et le référendum et sa campagne ont mobilisé une large proportion de la jeunesse en Écosse.
En parallèle, depuis 2016, les partis politiques n’ont cessé de voir augmenter leur taux de jeunes adhérents. C’est notamment le cas du SNP et des Verts, tous deux défavorables au Brexit. En cas de second référendum, ces jeunes Écossais, toujours plus engagés en politique, pourraient jouer un rôle clé en faveur de la victoire de l’indépendance. Du moins, cette mobilisation de la jeunesse devrait se poursuivre tant que le sort de l’Écosse en tant que partie prenante ou non du Royaume-Uni ne sera pas fixé.
L’avenir de l’Écosse encore incertain
Les élections du Parlement écossais du 6 mai pourraient bien mener l’Écosse un peu plus vers ce second référendum. Malgré une récente affaire embarrassante pour la Première ministre dans le cadre d’investigations sur des accusations de harcèlement sexuel envers son prédécesseur, Alex Salmond, par neuf femmes dont des employées du Parlement de Holyrood, le SNP devrait conserver sa majorité au sein du gouvernement écossais. D’autant que Nicola Sturgeon a été blanchie dans cette affaire.
De plus, un récent sondage montre que les partis indépendantistes – le SNP, les Verts et le tout nouveau parti Alba Party – pourraient remporter 79 des 129 sièges du Parlement. Une telle majorité alimenterait un peu plus encore le mouvement indépendantiste écossais. Reste à savoir si un nouveau référendum pourrait se tenir. Même si Nicola Sturgeon et le SNP réfléchissent depuis longtemps aux leviers à actionner pour l’organiser de façon légale, un accord entre Holyrood et Westminster demeure nécessaire. Or, à l’heure actuelle, Boris Johnson y est clairement opposé.
L’issue d’un nouveau référendum pourrait bien bouleverser la vie politique britannique, déjà très mouvementée depuis le Brexit. En cas d’indépendance, l’objectif du gouvernement écossais porté par le SNP est de réintégrer l’Union européenne. A priori, cette dernière ne s’y opposerait pas. En janvier 2020, des députés européens avaient chanté «Auld Lang Syne», la version écossaise de «Ce n’est qu’un au revoir»… Un message fut également adressé à l’Écosse sur les bâtiments de la Commission européenne à Bruxelles, laissant ainsi sous-entendre que l’UE n’oublierait pas ses voisins écossais et que sa porte leur resterait sans doute ouverte.
Claire Breniaux est Doctoral Researcher and Teaching Fellow – Attachée d’Enseignement et de Recherche, Université de Bourgogne – UBFC / Publié initialement sur The Conversation sous licence creative commons / Photo: Nicola Sturgeon / Source: Scottish Government sous licence creative commons
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