Europe: Suis-je démocrate? Je le crois! Mais pourquoi?

Le théâtre, plus que d’autres formes d’arts, semble historiquement lié à la démocratie comme de faux jumeaux, de fausses jumelles antiques.

«Unie dans la diversité». Cette devise caractérise la manière dont les Européens se sont rassemblés, en créant l’Union européenne, pour œuvrer en faveur de la paix et de la prospérité, s’enrichissant ainsi des diverses cultures, traditions et langues du continent. Qui est uni? Vous, nous, eux, moi? Il s’agit de l’Europe qui existe donc comme une entité d’Européens réunis… Mais qui la définit ainsi? des institutions, des élus, des publicitaires, des citoyens? Suis-je europtimiste ou euro-pessimiste? Il me semble être plus proche des idées de convergence mais je reste pessimiste sur nos méthodes pour y parvenir…

Mais de quelle Europe s’agit-il, celle d’un espace de liberté, celle d’un ensemble de règles partagées, celle de la coopération, un peu des trois mais dans des dosages qui ne seront pas les mêmes dans chaque pays ou pour chaque personne…

Suis-je un citoyen? Je le crois! Le suis-je plus qu’un Suisse ou un Norvégien parce que mon pays natal est adhérent à l’Union Européenne; un peu plus qu’un Bulgare, un Roumain, un Croate ou un Chypriote et plus encore qu’un Albanais, un Moldave voire qu’un Stambouliote…?

Suis-je démocrate? Je le crois! Mais pourquoi? Pour plus de liberté non seulement pour moi mais pour tous, plus d’égalité entre les individus et les nations, plus de fraternité entre concitoyens ou entre humains voire avec notre planète?

Être ou ne pas être, là n’est peut-être pas la question cette fois! L’Europe est une scène de théâtre où de nombreuses pièces se sont jouées et se jouent encore. Je crois qu’il y a de grandes histoires communes entre le théâtre et la démocratie. Brecht a dit un jour à un dirigeant: puisque le peuple vote contre le gouvernement, faut-il dissoudre le peuple ? On a un petit peu d’humour dans le théâtre, parfois. En France et dans d’autres pays d’Europe, le théâtre, plus que d’autres formes d’arts, semble historiquement lié à la démocratie comme de faux jumeaux, de fausses jumelles antiques. On lui a prêté des vertus majeures d’émancipation pour reconstruire les sociétés d’après-guerre; suivant les préconisations du Conseil National de la résistance, la France de la 5ème République lui a confié la décentralisation, l’émancipation puis la démocratisation culturelle et même la démocratie culturelle, une légende trop dorée pour être aussi vraie que belle?!

Les arts de la scène adoptent avec la démocratie une forme scénique commune, un lieu vivant de partage des idées et de la parole, en «présentiel» quand le ciel le permet! Que reste-t-il au temps du distanciel, distanciel de la globalisation, distanciel digital, distanciel sanitaire. Ils semblent encore aujourd’hui liés dans leurs difficultés à associer les citoyens, spectateurs passifs de choix souvent élaborés en cercles autorisés (expert, représentants, amateurs passionnés).

Ils ont tous deux une méfiance de ce qu’ils nomment la foule ou la masse, laissées aux dictatures des autocrates, aux médias publicitaires et au bon soin des ONGs, une humanité «trop vulgaire» du moins non initiée ou mauvaise perdante qu’on préfère peut-être ne plus voir ni dans nos salles ni dans nos isoloirs… Que serait un citoyen au théâtre: une sorte de spect-acteur?

Qu’avons-nous cherché depuis l’après-guerre, dans nos démocraties comme au théâtre? Plus de liberté d’expression, plus de réalisme social, plus d’émancipation, plus de démocratie dans le processus de fabrication ou plus de spectateurs pour assister à nos représentations…?

Dans le théâtre, on a essayé l’agitprop (Agitation et propagande politique révolutionnaire, ndlr), on a essayé les performances, plus de démocratie dans le processus de fabrication. Mais, finalement, le théâtre a plus souvent emprunté au maître savant qu’au maître ignorant, plus souvent fait la leçon en pédagogue que rendre les spectateurs actifs dans une narration ouverte; nous a plus souvent infantilisé qu’émancipé comme auteur et acteur de notre destinée.

Monter sur scène pour y répéter, jouer et rejouer notre vie est un enjeu pour le théâtre autant que pour la démocratie.

Frédéric Simon est auteur, marionnettiste, ancien directeur du théâtre Le Maillon de Strasbourg. Photo : plateau EuTalkS #1 Europe : quelle démocratie citoyenne, demain?

© EuTalk / www.eutalk.eu – ISSN 2116-1917 / Les propos exprimés par l'intervenant sont l'expression d'une réflexion personnelle. Ils n’engagent que leur auteur, et en aucun cas l’institution à laquelle il appartient ou qui l'accueille.