Allemagne: un président réélu, un monde politique en évolution

La nouvelle coalition connaît ses premières difficultés et l’approche du budget pourrait faire apparaître quelques fissures entre les «cigales» dépensières et les «fourmis» austères

Dans moins d’un mois, le 9 mars, le gouvernement d’Olaf Scholz devrait étudier le premier projet de budget élaboré par les services de Christian Lindner, le Ministre des Finances, président du parti FDP. Première confrontation entre le libéral ministre FDP qui ne cache pas sa volonté de voir revenir aussi vite que possible à la règle constitutionnelle, des budgets en équilibre face aux ministres SPD et Verts qui rêvent de dépenses et d’investissements qu’ils estiment nécessaires.

Le chancelier, qui hier encore était Vice-Chancelier et Ministre des Finances dans la grande coalition («Groko»), devra peut-être procéder à ses premiers arbitrages: la page d’Angela Merkel semble tournée et le monde politique cherche désormais ses marques, après 16 années de gestion démocrate-chrétienne!

La nouvelle coalition connaît ses premières difficultés et si la crise ukrainienne, l’attitude traditionnellement conciliante vis-à-vis de Vladimir Poutine, conduit la nouvelle ministre (appartenant aux Verts) des affaires étrangères Annalena Baerbock (Verts), la ministre (SPD) de la défense et le chancelier à de laborieux rapprochements, l’approche du budget pourrait faire apparaître quelques fissures entre les «cigales» dépensières et les «fourmis» austères !

Un chancelier déjà… contesté!

En attendant Olaf Scholz, dont plus de 60% des Allemands (sondage Civey pour DER SPIEGEL) estiment qu’il n’a pas bien géré son début de fonction, alors que 49% pensent (déjà!) qu’il ne sera pas un bon chancelier, a du taper sur la table pour s’imposer: «Je suis le chancelier!», a-t-il lancé dans une interview en réponse aux critiques que lui adressait l’ancien chancelier Gerhard Schröder (SPD) qui attaquait sa politique vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine! Ses déplacements à Washington, Kiev et Moscou, ses rencontres avec ses partenaires français, polonais et ukrainiens, ses coups de menton en faveur d’un soutien (bien modeste!) à l’Ukraine, changeront-ils quelque chose à son image?

Alors que, après le tsunami électoral du mois de Septembre, l’ensemble des partis se réorganise pour les futures compétitions électorales, l’élection, le 13 février, du Président de la République a donné lieu à une ultime «co-production» gauche-droite. Le SPD, les Verts, le FDP, partenaires de la coalition au pouvoir, mais aussi la CDU et sa branche bavaroise, la CSU, se sont accordés pour donner leurs voix au président sortant Frank-Walter Steinmeier. Celui-ci, ancien dirigeant et ministre (SPD) des affaires étrangères, a donc été élu pour un deuxième mandat de 5 ans par un corps électoral de 1472 votants (la moitié est composée de députés, l’autre moitié de délégués désignés par les parlements régionaux).

Merkel toujours vedette!

Très apprécié, le sortant a réuni 1045 voix dont celle de… Angela Merkel désignée comme déléguée par la CDU du Land de Mecklembourg-Poméranie. La présidente de séance – la socialiste Bärbel Bas, présidente du Bundestag – a tenu à saluer sa présence et à rendre un hommage appuyé à l’ancienne chancelière véritable vedette – avec Frank-Walter Steinmeier – de l’assemblée! Ce dernier doit peut-être à la présidente du Bundestag, de retrouver son poste: les Verts – notamment – auraient aimé que la nouvelle coalition porte une femme à un poste de responsabilité et ils avaient pensé à la Présidence de la République. Finalement, ils ont renoncé à leur idée, Bärbel Bas ayant été élue à la présidence du Bundestag.

Réélu dès le premier tour, le «nouveau Président de la République» a battu facilement trois opposant(e)s: un représentant du parti d’extrême gauche – Die Linke» – (96 voix), une représentante du parti des «Electeurs libres» («Freie Wâhler», venus de Bavière, 58 voix) et un représentant du parti d’extrême-droite «AfD» (140 voix). Ce dernier, Max Otte, un économiste germano-américain, auteur de livres à succès sur les politiques financières, membre éminent de la… CDU (!), a été présenté par l’AfD: il devenait une belle illustration des tentatives de débauchage de l’extrême-droite, désireuse de fédérer la droite.

Quand l’extrême-droite recrute!

Mis en garde par son parti d’origine, Otte a été immédiatement suspendu de la CDU. Une suspension qui ouvre une procédure d’exclusion de la CDU, d’autant plus rapide que l’immunité du député européen Jörg Meuthen, ancien dirigeant de l’AfD en raison de l’ouverture d’une procédure pour financement illégal, ayant été levée et plusieurs responsables ayant quitté le parti, celui-ci a accentué son virage vers l’extrémisme.

Une radicalisation vers la gauche, a également touché «Die Linke», à la suite de son échec aux élections de septembre. Si on ajoute les tentatives des 49 «jeunes élus» (qui avaient moins de 35 ans aux élections législatives de septembre) de se regrouper pour mieux peser sur le SPD, et si on tient compte des efforts de réorganisation de la CDU, on a une petite idée de l’évolution du monde politique allemand après ce que j’avais appelé, ici, le «tsunami électoral» des dernières élections législatives.

Alain Howiller est chroniqueur pour Eurojournalist.eu, ancien rédacteur en chef des Dernières nouvelles d’Alsace / Photo: Frank-Walter Steinmeier, président fédéral de l’Allemagne, à droite, et Ursula von der leyen, à l’occasion de l’hommage européen à Valéry Giscard d’Estaing, ancien président de la République française, depuis Strasbourg, le 2 décembre 2021 / Photographe: Dati Bendo / Union européenne, 2021 / Source: EC – Service audiovisuel

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