(Correspondance en Ukraine) – 24 février, 4 h 20 : les citoyens de Kiev se réveillent au son des explosions. Poutine a lancé le début d’une opération militaire dans le Donbass. Kiev, aussi, a été bombardée. Ce fameux humour noir spécifique à Vladimir Poutine: attaquer des gens pacifiques, en pleine nuit, comme Hitler l’avait fait en 1941.
Depuis son flanc Est à sa frontière avec la Biélorussie et la Crimée, l’Ukraine est bombardée de toutes parts. Est en état de choc. Dans les rues de Kiev, les premières heures sont empreintes de panique. Totale. Des gens, des voitures. Nombreux. Les files d’attentes se créent, s’allongent aux stations-service et aux guichets bancaires automatiques. Nombreux essaient de fuir. A n’en pas douter, cette attaque a été conçue pour effrayer et démoraliser les militaires ukrainiens et la population.
La résistance s’organise
Mais la résistance s’organise. Vite. Très vite. Tient tête à l’ennemi. Et la situation bascule. A 15 h, le 25 février, les forces de sécurité et de défense de l’Ukraine annoncent avoir déjà détruit 10 avions russes, 7 hélicoptères, plus de 80 chars et 516 unités de véhicules blindés russes. Les pertes des militaires russes atteignent alors déjà 2800 personnes.
Les Ukrainiens, des civils, font face à leur peur, à la panique et commencent à acquérir des armes et à rejoindre les rangs de la défense territoriale. Le courage des forces armées ukrainiennes a impressionné tout le monde. A commencer par ces treize gardes-frontières de la minuscule Île du Serpent, dans la mer Noire, qui ont refusé de se rendre à un croiseur russe et sont morts héroïquement. Le Marine Vitaly Skakun a lui aussi sacrifié sa vie pour faire sauter un pont et ainsi freiner l’avancée de l’armée russe. A titre posthume, tous été honorés en tant que héros de l’Ukraine.
Jour après jour, l’armée ukrainienne repousse l’ennemi par la force. La direction russe décide alors de changer son plan d’attaque et de prendre Kiev à tout prix. Au deuxième jour de combats, Kiev est mise sous pression par les troupes russes et les groupes de saboteurs. Des maisons résidentielles sont bombardées. Des combats ont lieu dans les rues de la capitale. Loin de s’enfuir ou de se laisser exfiltrer, le président ukrainien, Volodymyr Zelenskyy, surprend tout le monde par son courage… sans précédent. Refuse d’évacuer et annonce rester à Kiev pour défendre son pays. Jusqu’à la fin.
Bombes à fragmentation à Kharkiv
Les militaires russes bombardent des jardins d’enfants, des hôpitaux pour enfants. Des enfants meurent. Lancent des roquettes dans des zones pacifiques de nos villes. Attaquent même des ambulances. Leur brutalité est sidérante. Des données indiquent qu’à Kharkiv, au nord-est de l’Ukraine, les troupes russes auraient utilisé des bombes à fragmentation, pourtant interdites par les conventions internationales. Les actions menées par l’armée de la Fédération de Russie prennent des atours de génocide, qui devraient être examinés par un tribunal international.
Troisième nuit de combats à Kiev. L’une des plus chaudes. Des batailles féroces près de Kiev où les troupes russes ont débarqué à Gostomel et Vychtgorod. Ailleurs, et les occupants attaquent férocement Kharkiv et Marioupol, ville portuaire et industrielle de l’oblast de Donetsk, au sud du pays. Mais ces attaques sont, pour l’heure, là encore repoussées. Nul doute : la Blitzkrieg de Poutine a échoué. Le Kremlin laisse alors entendre qu’il est ouvert à des négociations. Mais à la condition que notre pays capitule. Inconcevable. Rejet de cette proposition inacceptable.
Combien de temps, les dirigeants russes pourront-ils continuer leur guerre?
A l’heure actuelle, les villes ukrainiennes continuent à repousser les attaques ennemies et le rythme de l’offensive russe ralentit face au courage et au professionnalisme des forces armées ukrainiennes qui peuvent s’appuyer sur la livraison d’armes modernes fournies par les Alliés occidentaux, juste avant que ce cycle infernal ne débute. Progressivement, des sanctions les plus sévères sont imposées à la Russie, jusqu’à Poutine et à ses partisans. La déconnexion partielle de la Russie au système SWIFT a également été approuvée, et les principales banques russes sont sous sanctions. L’effondrement du système financier de la Fédération de Russie pourrait commencer à prendre corps dès aujourd’hui, lundi. Combien de temps, dans de telles conditions, les dirigeants russes pourront-ils continuer leur guerre? Selon la plupart des experts militaires et financiers, c’est la question d’une semaine.
L’adhésion à l’OTAN et à l’UE, garante de sécurité et de stabilité
Le rideau de fer tombera entre l’Occident et la Russie, et celle-ci revêtira le costume d’une nouvelle Corée du Nord. Bien sûr, beaucoup dépendra encore de l’évolution des combats. De notre capacité à tenir. Mais les succès de la résistance ukrainienne peuvent aller jusqu’à nous laisser une chance de reprendre nos territoires occupés. Grâce au courage des Ukrainiens, l’agression de la Russie est contenue, mais, à plus long terme, il est clair que l’Ukraine ne pourra servir de tampon entre la Russie et le monde occidental. La Pologne soutient déjà l’initiative visant à accélérer l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Ne nous y trompons pas : seules, à l’avenir, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’UE, garantiront la sécurité et la stabilité de l’espace européen.
Aleksandra Klitina est ancienne vice-Ministre ukrainienne de l’Infrastructure (2019) / Article rédigé en amont de la reconnaissance par Vladimir Poutine de l’indépendance des Républiques auto-proclamées de Donetsk et de Luhansk / Photo: Aleksandra Klitina
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