Dans un pays – l’Allemagne – où la tradition pacifiste paraissait bien ancrée, l’invasion de l’Ukraine a été «le» choc qui a mis fin aux relations paisibles que le pays entendait entretenir avec la Russie de Poutine. L’histoire contemporaine retiendra sans doute que décidément, les chanceliers SPD – de Willy Brandt (lancement de ce qu’on a appelé la «Ostpolitik») à Gerhard Schröder (guerre avec la Serbie), sans oublier Helmut Schmidt (crise dite des «Pershing») – ont dû (pu?) violer les tendances pacifistes de leur parti, pour faire face à l’URSS et le bloc soviétique.
Les Ukrainiens, procureurs intransigeants, n’ont pas hésité, de leur côté, de rappeler que l’actuel Président de la République allemande, pour ne compromettre les relations germano-russes, s’était opposé à l’entrée de leur pays dans l’OTAN lorsqu’il était Ministre des Affaires étrangères de la Grande Coalition!
Dans les stocks de… l’ex-DDR!
Aujourd’hui, la coalition au pouvoir a pu, malgré les réticences d’une (désormais!) minorité au SPD et chez les Verts, imposer son plan se modernisation de la Bundeswehr: 100 milliards € décidés par le chancelier Olaf Scholz, pour faire de l’armée allemande l’une des premières d’Europe, comme le soulignait Christian Lindner, le Ministre (FDP) des Finances! Et, comme la plupart des pays membres de l’OTAN et de l’Union Européenne – hormis la Hongrie de Victor Orban qui continue d’entretenir des relations amicales (!) avec Vladimir Poutine – l’Allemagne a puisé dans ses stocks pour livrer des armes à l’armée ukrainienne.
Certaines armes provenaient encore de…. l’ex-DDR et certaines sources évoquent des livraisons d’anciens chars soviétiques cédés, pour éviter le risque de co-belligérance, à une entreprise privée qui les achemine! Elle vient de décider de nouveaux envois, alors que la République Tchèque annonçait, de son côté, l’expédition d’un premier convoi de chars!
Acheter américain ou européen?
Parallèlement à un fort engagement humanitaire (accueil de près de 400.000 réfugiés), politique (révision du plan climat, adaptations aux conséquences de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, opposition à Vladimir Poutine), l’Allemagne s’est engagée dans une politique de modernisation de son appareil militaire, au risque d’ailleurs, de se faire accuser de faire cavalier seul. Devant le vieillissement de ses avions «Tornado» – avions de combat multi-rôle développés avec la Grande Bretagne et l’Italie -, qui peuvent transporter les bombes atomiques américaines, l’Allemagne a décidé d’acheter 35 F-35 américains: la commande est limitée en nombre et (explication officielle) si on a acheté américain, c’est parce que les avions étaient disponibles et pouvaient transporter les bombes atomiques US. Le concurrent européen baptisé SCAF, construit par la France, l’Allemagne et l’Espagne, ne fera pas d’essais avant 2027 et ne sera pas livré avant … 2040! Ceci explique cela!
Autres dossiers polémiques: l’achat de drones (Israéliens et Turcs sont, notamment, à l’affût) et surtout le projet de mise en place d’un système de protection anti-missile qui protégerait l’Allemagne en interceptant les missiles ennemis. Israël dispose notamment d’un tel «dôme de protection». Une délégation allemande, conduite par la présidente FDP Marie Agnès Strack-Zimmermann de la commission de la défense du Bundestag, est allée étudier le système à Tel-Aviv.
Couvrir l’Allemagne d’un «dôme anti-missiles»
La protection d’un tel «dôme» pourrait bénéficier aux Balkans, à la Roumanie, à la Pologne. Sans vouloir se prononcer sur le fond, Olaf Scholz a marqué son intérêt pour un «bouclier» anti-missiles. Les grandes manœuvres se poursuivent pour équiper une Bundeswehr pour laquelle l’opinion marque enfin de l’intérêt: ce qui est relativement nouveau. Même les recrutements ont progressé!
Il est vrai que, selon les sondages, les deux tiers des Allemands redoutent la proximité de la troisième guerre mondiale! Il est vrai aussi que seules l’extrême gauche «Die Linke» et l’extrême droite «AfD» ont, la première, rejeté le «réarmement allemand» et la seconde s’est opposée aux sanctions contre Poutine «qui ne servent à rien!» La CDU, quant à elle, par la bouche de son chef Friedrich Merz, a prévenu le chancelier: le parti veillera à ce que les 100 milliards € bénéficient effectivement à la Bundeswehr et qu’on n’aille pas au-delà!
Alain Howiller est chroniqueur pour Eurojournalist.eu, ancien rédacteur en chef des Dernières nouvelles d’Alsace / Photo: US Air Force / Ministerie van Defensie / Wikimedia Commons / CC0 1.0
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