«Varosha est incontestablement un territoire chypriote-turc et toute décision la concernant relève des autorités chypriotes-turques. Faire de Varosha une attraction touristique dans la région est une opportunité pour l’économie chypriote-turque». Un peu plus d’un mois après l’élection du candidat pro-Ankara Ersin Tatar à la tête de la République turque de Chypre Nord (RTCN), les propos tenus le 7 octobre dernier par le président turc Recep Tayyip Erdoğan ne passent toujours pas dans les rangs européens. Première réaction à cette déclaration, celle de Josep Borrell Fontelles, Haut Représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, qui rétorquait le jour même que «l’ouverture de cette zone, qui est une zone fermée selon les accords de cessez-le-feu sous les auspices des Nations unies, est une violation grave de cet accord». Seconde salve, ce jeudi, au Parlement européen où une proposition de résolution commune des groupes GUE/NGL, Verts/ALE, S&D, CRE, Renew Europe et PPE est mise aux votes.
Condamnant les activités illégales de la Turquie à Varosha, les députés y déclarent que celles-ci sapent « la confiance mutuelle et la perspective d’une résolution globale du problème de Chypre, en altérant de façon négative la situation sur le terrain, en exacerbant les divisions et en ancrant la partition permanente de Chypre». Car, au-delà de la situation particulière de Varosha, ancienne perle balnéaire chypriote située dans la banlieue Est de Famagouste, c’est l’ensemble de l’avenir territorial de l’île qui se joue. Partisans d’une réunification de l’île avec la création d’un État fédéral, Ersin Tatar, défend une solution à deux États alors que l’opposition chypriote turque, conduite par le président sortant Mustafa Akinci, celle d’une réunification de l’île avec la création d’un État fédéral, tout comme l’Union européenne, soucieuse d’aboutir à la création d’une «fédération bicommunautaire et bizonale, une personnalité juridique internationale unique, une souveraineté unique ainsi qu’une nationalité unique et une égalité politique entre les deux communautés».
Or, «annexer» économiquement l’ancien «Saint-Tropez chypriote», abandonné après avoir été entourée de clôtures par les militaires turcs ou, a minima, d’en faire une zone d’attractivité touristique gérée par la RTCN, reviendrait d’une certaine manière à officialiser un peu plus la création de deux entités étatiques distinctes. Un pas que n’entendent pas franchir les élus européens d’autant plus que, rappelle la résolution parlementaire, «dans toutes les négociations précédentes, y compris lors de la dernière conférence sur Chypre à Crans-Montana en 2017, Varosha comptait parmi les territoires devant être restitués à l’administration chypriote grecque après la résolution globale du problème de Chypre sur la base convenue d’une fédération bicommunautaire et bizonale». Convoqué les 10 et 11 décembre prochains, le Conseil européen devrait immanquablement se pencher sur ce sujet et, s’il suivait les recommandations du Parlement, être amené à étudier «la possibilité d’imposer des sanctions ciblées», contre Ankara et la RTCN.
Photo: Varosha vu de l’extérieur de la zone démilitarisée / Photographe: Yolanda Demetriou / Source: Wikipedia sous licence Creative Commons CC BY-SA 1.0