Que faut-il attendre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, consultation populaire inédite réduite à un an en raison de la pandémie de Covid-19 ? Auteurs de «Crises et régulations, singularité et insuffisances des institutions» aux éditions universitaires européennes, Olivier Cuissard et Olivier Védrine engagent la discussion par le prisme économique et social et en appellent à la prise en compte réelle des aspirations des citoyens.
(Par Olivier Cuissard et Olivier Védrine) – En mars 2019, le Président français Emmanuel Macron avait proposé d’organiser, d’ici 2020, «avec les représentants des institutions européennes et des États membres, une Conférence pour l’Europe afin de proposer toutes les évolutions dont notre projet politique a besoin»; afin de «tracer ensemble la voie du renouveau européen». Après son élection par le Parlement européen en juillet 2019, la Présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen a exprimé son attachement à ce au débat sur l’avenir de l’Europe. Elle a également confirmé que cette consultation serait organisée par les institutions européennes et que les citoyens devraient «avoir leur mot à dire lors d’une Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui débutera(it) en 2020 et durera(it) deux ans». La Conférence, qui devait s’ouvrir le 9 mai 2020 pour commémorer la déclaration Schuman, a néanmoins pris du retard en raison de la pandémie de la Covid-19.
Un exercice de démocratie d’un an destiné à impliquer les Européens
Près d’un an après le calendrier initial, de hauts responsables de l’UE ont finalement lancé lundi 19 avril 2021 la plate-forme numérique multilingue de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, un exercice de démocratie d’un an destiné à impliquer les Européens dans la définition de l’orientation future du bloc. La plate-forme fournit un espace numérique aux citoyens pour interagir et échanger des idées sur la façon dont ils voient l’avenir de l’Europe, et est amenée à alimenter directement les tables rondes de la Conférence. Le lancement officiel de celle-ci a eu lieu le jour de la Journée de l’Europe, le 9 mai 2021.
De la même façon, s’il est une caractéristique qui transcende la diversité des domaines de recherche en économie, c’est assurément l’intérêt porté aux institutions. Dans son ouvrage «Institutions, changement institutionnel et performance économique» (1990), D. North définit les institutions comme l’ensemble des contraintes que les hommes imposent aux interactions humaines dans les domaines de la politique, de l’économique et du social. Une institution est alors un ensemble de règles formelles et informelles, allant des lois écrites aux coutumes et conventions, auxquelles s’ajoutent les différents systèmes permettant de faire appliquer cet ensemble de règles. Le principal apport de ces travaux semble résider dans la conclusion selon laquelle la performance économique d’un pays est une fonction positive de sa performance institutionnelle.
Davantage d’Europe mais moins de Bruxelles
Suivant cette logique, les institutions donnent un contenu à la régulation comme l’équilibre donne un sens au marché. Progressivement, sous l’effet de l’altération des formes institutionnelles par les interactions sociales (conflits sociaux, politiques), le mode de régulation entre en crise structurelle. S’enclenche alors un processus de recherche de nouvelles formes institutionnelles qui divisent l’histoire en périodes de stabilité et de crise. Les périodes stables sont celles où le système socio-économique est installé dans un système d’institutions stables. Les crises sont des périodes d’instabilité où les structures institutionnelles sont en mouvement. De nouvelles formes institutionnelles permettant de résoudre les contradictions, les déséquilibres par un mode de régulation nouveau, doivent, dans de telles situations, être déterminées collectivement. Et c’est là que la Conférence sur l’avenir de l’Europe est importante! La majorité des citoyens européens veulent davantage d’Europe mais moins de Bruxelles, davantage de Parlement européen mais moins de Commission européenne. Tout ce qui vient de la Commission apparaît maintenant antidémocratique au citoyen européen, déconnecté du réel, centralisateur et élitiste. Les citoyens doivent apporter des modifications aux fonctionnement des institutions pour sauver l’Union européenne!
L’activité économique et l’économie en générale ne sont pas seulement enchâssées dans les rapports sociaux mais toutes les dimensions du réel sont enchevêtrées les unes dans les autres. Le mouvement d’identification économique et sociale, caractérisant positivement le non-marchand, reconnaît le principe d’appartenance à un groupe ou une communauté, la reconnaissance mutuelle dans l’échange; la régulation s’effectue par des mécanismes institutionnels. L’absence de régulation du non-marchand – sans finalité de production marchande – peut perturber le fonctionnement du marché. Dès lors une Europe politique et sociale est la garantie d’une prospérité économique.
Professeur Olivier Cuissard est Directeur de l’Institut Catholique de Paris – Campus de Reims / Olivier Védrine est Professeur (h.c.) et rédacteur en chef du Russian Monitor / Photo: Parlement européen de Strasbourg – Communautés européennes 2003
© EuTalk / www.eutalk.eu – ISSN 2116-1917 / Les propos exprimés par l'intervenant sont l'expression d'une réflexion personnelle. Ils n’engagent que leur auteur, et en aucun cas l’institution à laquelle il appartient ou qui l'accueille.