Mise en pause sous l’administration Juncker, l’élargissement de l’Union refait progressivement surface, depuis l’invasion russe en Ukraine. Réunis ce matin à Strasbourg, les députés européens ont ainsi examiné la situation politique dans trois pays candidats à l’adhésion: la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et la Serbie.
Concernant la Bosnie-Herzégovine, les élus réitèrent leur soutien à l’orientation euro-atlantique de la Bosnie-Herzégovine. Ils dénoncent néanmoins avec fermeté tout discours de haine et tout acte déstabilisateur, y compris le retrait des institutions d’État ou leur obstruction, notamment par les dirigeants de l’entité de la Republika Srpska. Ils exhortent les acteurs politiques à retourner de façon inconditionnelle dans ces institutions d’État et à faire avancer les travaux sur les réformes liées à l’UE, en particulier à l’État de droit.
Le texte adopté par 479 voix pour, 81 contre et 75 abstentions souligne l’importance d’organiser des élections législatives en Bosnie-Herzégovine en 2022, comme prévu, ainsi que de respecter les résultats. Appelant à l’élimination de toutes les formes d’inégalité, de discrimination et de biais dans le processus électoral, les députés regrettent le manque de volonté politique pour surmonter l’impasse relative aux négociations sur les réformes constitutionnelle et électorale, et l’impossibilité de les mettre en œuvre avant les élections de cette année. Le rapport appelle les acteurs politiques du pays à respecter et à mettre en œuvre les engagements pris dans l’accord politique conclu à Bruxelles le 12 juin 2022, et salue la demande du Conseil européen aux dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine de finaliser les réformes constitutionnelle et électorale.
Compte tenu de l’agression russe contre l’Ukraine, les députés invitent aussi la Bosnie-Herzégovine à appliquer les sanctions de l’UE sur lesquelles le pays s’est aligné et mettent en garde contre l’intérêt continu pour la Russie de déstabiliser la Bosnie-Herzégovine.
«Après une année de blocage politique et de mouvements sécessionnistes croissants, l’accord politique conclu à Bruxelles le 12 juin dernier et les récentes conclusions du Conseil déclarant que l’UE était prête à octroyer le statut de pays candidat à la Bosnie-Herzégovine sont des signes forts de l’engagement de l’Union en faveur d’un avenir européen et euro-atlantique pour la Bosnie-Herzégovine», a relevé le rapporteur Paulo Rangel (PPE, PT). «Notre rapport réitère le soutien du Parlement à l’aspiration européenne des citoyens de Bosnie-Herzégovine et souligne les principaux défis auxquels le pays est toujours confronté, à savoir les activités de déstabilisation et le blocage des institutions d’État par les dirigeants de la Republika Srpska, qui doivent être sanctionnés, ainsi que l’impasse dans laquelle se trouvent les réformes électorale et constitutionnelle».
Côté Kosovo, les députés saluent la stabilité politique accrue du Kosovo et son engagement ferme sur la trajectoire européenne, et demandent à nouveau aux États membres d’adopter sans attendre un régime d’exemption de visa pour les citoyens du Kosovo, soulignant que tout délai supplémentaire saperait la crédibilité et la réputation de partenaire fiable de l’UE. le rapport adopté par 469 voix pour, 96 contre et 72 abstentions réaffirme le soutien sans faille du Parlement au dialogue entre Belgrade et Pristina sous l’égide l’UE et l’importance d’aboutir à un accord de normalisation global et juridiquement contraignant, qui sera essentiel tant pour la Serbie que le Kosovo pour avancer respectivement sur la trajectoire européenne et qui contribuera à la stabilité et la prospérité de la région.
Saluant l’alignement du Kosovo sur l’UE concernant les sanctions contre la Russie et sa solidarité avec l’Ukraine, les députés soulignent également que l’indépendance du Kosovo est irréversible et appellent les pays de l’UE qui n’ont pas encore reconnu le pays à le faire immédiatement.
Viola von Cramon-Taubadel (Verts/ALE, DE), rapporteure, a noté en marge du débat que «le Kosovo a constamment démontré son engagement pour faire avancer les réformes liées à l’UE et s’est positionné comme un partenaire très fiable, profondément ancré dans l’alliance européenne et transatlantique. Malheureusement, l’UE n’a pas tenu sa promesse de longue date d’octroyer aux Kosovars le droit de voyager dans l’UE sans visa. J’espère vraiment que ce rapport sera le dernier mentionnant cet échec. Quant au Conseil, et plus particulièrement à la France et aux Pays-Bas, je tiens à dire qu’il est grand temps de prendre la décision concernant la libéralisation des visas».
Enfin, concernant la Serbie, le Parlement affiche un objectif clair de «ramener le pays sur la voie de l’intégration à l’UE». S’il salue le fait que l’adhésion à l’UE demeure un objectif stratégique pour la Serbie, il regrette néanmoins le manque de progrès et même le recul sur des questions essentielles pour adhérer à l’UE. Saluant le retour d’un Parlement davantage pluraliste à la suite des élections du 3 avril dernier, les eurodéputés appellent à réaliser des progrès en matière d’Etat de droit, de droits fondamentaux, de liberté d’expression, de renforcement du pluralisme des médias et de normalisation des relations avec le Kosovo.
Le rapport adopté par 523 voix pour, 78 contre et 34 abstentions déplore vivement que la Serbie ne se soit pas alignée sur les sanctions de l’UE à la suite de l’invasion russe en Ukraine et appelle les autorités récemment élues à faire concorder instamment leur position avec les décisions de l’UE contre la Russie. Les députés expriment leur inquiétude concernant la diffusion de désinformation et appellent les autorités serbes et la Commission européenne à lutter contre la désinformation, la propagande russe et les autres menaces hybrides dans les Balkans occidentaux.
Pour le rapporteur Vladimír Bilčík (PPE, SK), «après les élections d’avril dernier et la guerre d’agression russe, il faut que nos partenaires en Serbie avancent résolument sur la trajectoire européenne. Notre rapport se penche de façon factuelle sur la réalité politique complexe en Serbie et encourage toutes les forces pro-européennes à se concentrer pleinement sur les progrès relatifs à la réforme de l’État de droit, au dialogue Belgrade-Pristina et à l’alignement sur les positions internationales de l’UE. Nous notons qu’il reste encore beaucoup à faire pour que la Serbie se rapproche de l’UE».