Dans son nouveau rapport d’activité couvrant la période de juin 2020 à juin 2022, le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe décrit les tendances et les défis en matière de protection des minorités en Europe. Le Comité note que la crise sanitaire mondiale liée à la covid-19, qui a aggravé les inégalités et entraîné des répercussions négatives pour la vie socioculturelle, le changement climatique, qui menace les modes de vie traditionnels des peuples autochtones, et l’agression de la Russie contre l’Ukraine figurent parmi les principales menaces observées.
«L’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine a provoqué une catastrophe humanitaire, y compris pour les personnes appartenant à des minorités nationales», dont beaucoup vivent dans les régions les plus touchées de l’est et du sud du pays, affirme le Comité consultatif. Il a condamné dans les termes les plus vifs cette agression et l’utilisation des droits des minorités en tant que prétexte à cette invasion. «Les Tatars de Crimée, déplacés en Ukraine continentale après l’annexion illégale de la Crimée par la Russie en 2014, ont dû fuir leur foyer pour la deuxième fois en huit ans.» Le Comité note que les Roms sont particulièrement vulnérables, notamment quand ils sont réfugiés, en raison de la discrimination et de la pauvreté, très répandues, et de l’absence de papiers d’identité.
Le Comité consultatif s’inquiète également des répercussions de la guerre pour les personnes appartenant à des minorités nationales et pour les relations interethniques dans la Fédération de Russie, notant que «les jeunes hommes issus des minorités semblent surreprésentés parmi les victimes au sein de l’armée russe». Et celui-ci de rappeler que si la Fédération a été exclue du Conseil de l’Europe le 16 mars dernier, elle n’en demeure pas moins encore Partie contractante à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et reste de ce fait liée par les obligations qui y sont énoncées et soumise à sa procédure de suivi.
Seconde préoccupation, la pandémie de Covid-19 qui a laissé une marque indélébile sur la période de deux ans couverte par ce rapport d’activité, aggravant les difficultés des minorités nationales et creusant encore les inégalités existantes. Les personnes appartenant à des minorités nationales ont pâti d’un manque d’accès à l’information dans les langues minoritaires et d’une participation limitée à la prise de décisions. Les enfants et les jeunes, en particulier ceux qui appartiennent à des minorités économiquement défavorisées, ont été particulièrement touchés, car leur participation à l’éducation, à la vie publique et à la vie culturelle a été gravement affectée. Le Comité note également que la pandémie a eu un impact disproportionné sur les Roms, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins de santé et leur situation économique.
Pendant la pandémie, des activités culturelles vitales pour les minorités nationales se sont interrompues ou ont été déplacées en ligne. La fermeture des frontières a durement touché les minorités nationales des régions frontalières entretenant des liens économiques et familiaux de part et d’autre de la frontière.
Troisième point souligné par le rapport, le changement climatique, «le problème le plus urgent à l’échelle mondiale», a également des répercussions spécifiques sur les minorités nationales, souligne le Comité. L’existence de nombreuses minorités nationales est étroitement liée à l’environnement naturel. La hausse des températures, la fonte des glaces de l’Arctique, les sècheresses, les inondations et les feux de forêt, ainsi que l’appauvrissement de la biodiversité menacent les écosystèmes et donc les modes de vie traditionnels et les métiers de nombreuses personnes appartenant aux minorités nationales, y compris les peuples autochtones.
À l’inverse, le Comité consultatif a également observé des cas où la restriction d’activités économiques dans le cadre de la transition vers une économie plus verte avait engendré des difficultés socio-économiques, telles que des pertes d’emploi, pour les personnes appartenant aux minorités nationales. Des inquiétudes ont été exprimées quant à l’impact des parcs éoliens sur l’élevage des rennes. «Dans la transition vers un modèle de développement plus durable, il convient de ne pas perdre de vue les répercussions socio-économiques, en particulier pour les personnes appartenant aux minorités nationales», affirme le Comité.
Côté courbe des âges, enfin, les jeunes appartenant à des minorités nationales jouent un rôle fondamental non seulement pour la préservation des langues minoritaires, mais aussi pour le développement politique, économique et culturel de leur communauté. Le Comité a noté plusieurs évolutions positives sur la période 2020-2022: de nombreuses associations de minorités soutiennent activement les groupes de jeunes, les jeunes Roms reçoivent une formation leur permettant de participer à la prise de décisions et les médiateurs de la jeunesse adoptent une approche d’égal à égal avec les jeunes chômeurs. Toutefois, les jeunes sont également confrontés à des défis particuliers, tels que l’absence de garanties que les mécanismes consultatifs existants apporteront effectivement un changement. Le Comité rappelle que les États parties ont l’obligation, en vertu de la Convention-cadre, d’allouer le temps, les ressources et les moyens nécessaires pour donner aux jeunes de réelles possibilités de peser sur la prise de décision.
En conclusion, le Comité consultatif indique être fermement convaincu que la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe est un instrument opportun pour résoudre ces problèmes. «Les principes fondamentaux de la Convention-cadre – la protection des identités des minorités, la compréhension interculturelle et la participation effective – forment une base solide pour relever ces défis multiformes.»