Hier 25 janvier, les députés européens ont clos 18 mois d’enquête de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère (INGE), créée en juin 2020 ont, après audition de plus de 130 experts, adopté par 25 voix pour, 8 contre et 1 abstention, leurs recommandations finales. L’opinion publique européenne et les responsables gouvernementaux font preuve d’un «défaut flagrant de prise de conscience» de la gravité de la menace que présentent des régimes étrangers autocrates, notamment la Russie et la Chine, affirment les députés dans le rapport. Cette absence de défense a permis à des acteurs malveillants de prendre plus facilement le contrôle d’infrastructures critiques, de mener des cyberattaques, de recruter d’anciens politiciens de haut niveau et de favoriser la polarisation du débat public. Cette situation est exacerbée par les lacunes en matière de législation et le manque de coordination entre les pays de l’UE.
«Nos enquêtes ont apporté des preuves très inquiétantes sur la manière dont des acteurs étrangers malveillants attaquent nos démocraties dans toutes les sphères et tous les domaines possibles de la société. Ce qui est encore plus troublant, c’est que non seulement les législateurs, mais la société dans son ensemble ne sont pas suffisamment conscients des menaces auxquelles nous sommes confrontés, et nos débats publics, nos lois et nos engagements individuels ne sont pas à la hauteur pour lutter efficacement contre l’ingérence étrangère, a commenté la rapporteure Sandra Kalniete (PPE, LV). Des mesures urgentes doivent être prises pour combler les lacunes critiques: demander des comptes aux plateformes en ligne et garantir la transparence de leurs algorithmes, réglementer le marché des données, renforcer la société civile et les médias indépendants, et permettre une responsabilité individuelle éclairée par l’éducation, la formation et les programmes d’éducation aux médias».
Pour lutter contre les menaces, les députés de la commission spéciale exhortent ainsi l’UE à mieux sensibiliser l’opinion publique via des formations ciblées pour les personnes occupant des postes sensibles et des campagnes globales d’information. En outre, l’UE devrait renforcer ses capacités et créer un régime de sanctions contre la désinformation. Les règles relatives aux plateformes de médias sociaux, qui servent de relais à l’ingérence étrangère, devraient également être renforcées. Pour Raphaël Glucksmann (S&D, FR), président de la commission parlementaire, « après plus d’un an de travaux, le rapport souligne le niveau d’attaques et de menaces auxquelles l’UE est confrontée. Des acteurs étrangers hostiles ont déclaré une guerre hybride à l’Union et à ses États membres. Le rapport propose une série de recommandations pour protéger nos démocraties et garantir la souveraineté européenne. Nous appelons le Conseil et la Commission à les mettre en œuvre sans perdre de temps».
Parmi les autres recommandations, citons: soutenir les médias pluralistes largement diffusés et les vérificateurs de faits; faire investir les plateformes en ligne dans les compétences linguistiques afin de lutter contre les contenus illicites et dangereux dans toutes les langues de l’UE; considérer les infrastructures électorales numériques comme des entités critiques; offrir des alternatives financières aux investissements étrangers directs provenant de Chine utilisés comme outils géopolitiques; clarifier les ‘‘relations hautement inappropriées’’ entretenues par certains partis politiques européens et la Russie; interdire le financement étranger des partis politiques européens; améliorer de façon urgente la cybersécurité, dresser la liste des logiciels espions tels que Pegasus; et
faire en sorte qu’il soit plus difficile pour des acteurs étrangers de recruter des politiciens de haut niveau trop tôt après qu’ils ont quitté leur poste.
La commission a adopté le rapport. Le Parlement dans son ensemble devrait se prononcer sur ces recommandations lors de la session plénière de mars.